Lettre au père-noël




 Cher Père Noël 

Cette année, sous le sapin, je veux du lourd. J’ai été très sage. Respecté les mesures sanitaires. Travaillé plus que de raison.
Jonglé au milieu d’une organisation familiale en permanence modifiée.
Pensé aux autres tout le temps et à moi pas du tout. 
Alors voilà...


Je veux revoir des convives à la table de ma cuisine, bien trop grande pour nous quatre. 
Je veux des restaurants en amoureux. Des visites au musée avec ma mère. Que les kilomètres qui me séparent de ma sœur (et de Paris- si belle capitale) ne soient plus qu’un trajet en train standard, avec un bon livre. Je veux des fêtes de Noël habituelles, avec grand-parents, oncles, tantes, cousins-cousines. Des marchés de Noël bondés. Des attroupement pour les feux d’artifice de la Saint Sylvestre. 

Je veux sauver ces relations qui tiennent à des discussions banales autour d’un café, et ne sont pas faites de grandes tirades que l’on peut reproduire sur Skype.

Je veux donner de vrais cours à de vrais apprentis soignants ou médecins. Sentir leurs réactions. Observer leurs silences, réponses, expressions.

Je veux retrouver les patientes qui me consultent pour des douleurs chroniques et qui sont au deuxième plan de cette crise. Retrouver aussi mon train train d’anesthésiste en maternité sans restrictions de visite pour les femmes ni masque. 

Je veux de la vie. Et qu’on cesse de banaliser les morts, aussi.

Je veux de la perspective, des rêves. Ce brin de folie interdit. Une possibilité de rejoindre cet ami qui me manque, à Londres, Tours, Strasbourg, Paris. Sans plan et sans bagages. Comme ça, pour se voir.

Je veux des rires aux éclats et des cris. Des cours de trompette sans zoom pour Charlie. Des accolades et des bises. 
Piocher tous dans la même boîte de biscuits.

De la déraison. Transgresser les règles. Ressentir des émotions du registre du bonheur plus souvent.

(Et tant qu’on y est, de la cohésion sociale. Du courage politique face au réchauffement climatique. De la décroissance pour qu’on ai tous de la place sur cette planète et que mes enfants aient un avenir.)

Tu n’existes pas. Dommage. Du coup on ne peut compter que sur nous. Éviter les lieux fréquentés. Attendre sagement un vaccin fiable. Continuer à limiter les risques et à mettre une grande partie du sel de la vie de côté encore un moment, pour que ces vœux aient une petite chance d’être réalistes au printemps ou à l’été. 

Tu n’existes pas. Mais ça m’a fait du bien de te dire tout ce qui me manque tellement,  en ce temps de  l’Avent, et de pandémie .

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