De l’autre côté …


 J’ai tout gardé: les bracelets de naissance, à chaque fois.

La légèreté de leur père qui m’a soutenue pendant les contractions comme si on participait à un jeu ludique. Il n’avait pas peur ou ne le montrait pas. Son bonheur à votre arrivée.

Ma joie à moi, différente à chaque fois. Rencontre très attendue avec Charlie après deux heures en salle de réveil post césarienne.  Rencontre en apesanteur avec Noé, une fois la naissance éclair passée. Il était là et bien là, j’ai mis du temps à le réaliser. Rencontre simple et immédiate avec Louis.

Le souvenir éprouvant des grossesses, des allaitements, qui se sont bien passés et pourtant… Je me sentais presque en danger. C’était la peur de me perdre, qui me guettait. Elle était rude, la nécessité de laisser tomber ce que j’aimais, ce par quoi je me définissais, pendant un temps… Besoin de sommeil, pour moi qui aime les nuits blanches. Besoin de repos, plutôt que de journées remplies. Besoin de calme et de rester chez moi, plutôt que de vadrouiller pour découvrir mille choses. C’était encore pire pendant le post partum: j’aimais prendre soin de mes enfants et pourtant je souffrais réellement de ne pas travailler. Être «maman» est un job à temps plein exigeant souvent de tirer une croix sur ses propres besoins.

Me voilà au bord de moi-même.

Je me vois, de l’autre côté du chemin. Un côté où mon corps est redevenu le mien. Où j’ai récupéré cette énergie d’entreprendre. Un côté où j’aime voir mes enfants grandir et où les discussions de plus en plus fouillées m’apportent de grandes satisfactions. Un côté où les enfants mangent à table, et non au sein de leur mère. Un côté où j’ai des moments de tranquillité avec mon mari. Un côté aussi, où il y a toujours « trop » de ce travail que j’aime tant, et où il faut prioriser les tâches. 

De ce côté là mes enfants me manquent souvent. 

Je me vois  de l’autre côté. Ce n’est pas loin, c’est dans cinq jours. Je m’en réjouis et j’en suis triste à la fois. Pour traverser il va falloir laisser derrière moi la maternité d’un « tout petit ». Ma dernière maternité d’un tout petit. Dire au revoir à cette aliénation physique que  je n’aime pas, car elle me donne le sentiment de devoir mettre sur pause tout ce qui compte en dehors de mes enfants. 

Je me vois de l’autre côté, j’ai l’air bien. J’ai l’air plus sereine,  à « élever » qu’à «pouponner ». 

Et pourtant je n’ai pas envie d’y aller. 

Ce 13 février à 17h04 je me prends à être nostalgique de toutes ces choses vécues comme un fardeau. Leur goût change, parce que je sais que c’est la dernière fois. La dernière fois où presque que Louis me regarde, béat, après la tétée.

J’ai tout gardé, ou essayé  de tout garder de ces périodes charnières avec mes garçons, riches en «hauts» et en «bas». Je sais bien qu’un autre lien s’établira après ce temps spécial. Mais, avec chaque enfant, c’est différent et l’expérience passée ne sert à rien. Je vais devoir apprendre à devenir mère autrement cette fois aussi pour me retrouver, moi.

Je me vois de l’autre côté. Ça fait envie et ça fait mal à la fois. Je crois que c’est le temps qui passe qui me peine. C’est l’irréversibilité des choses. Mes enfants grandissent. Ils ne seront plus jamais petits. Il vont continuer à me manquer chaque jour d’hôpital. Je vais me lever avec plaisir malgré tout, pour rejoindre collègues et patients, faire ces gestes qui soulagent, endormir, réveiller, rassurer.

Je les aime, mes enfants. Je les aime tellement.







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