Les doutes
J’ai une forme de passion du métier. Un feu facile à rallumer chaque matin. D’habitude. Oui, parce que là il n’y a plus que des braises. En ce moment, voyez-vous, je tangue. Ce qui nourrit « le feu », c’est en partie le sentiment de faire quelque chose d’utile. Devant tant de « derniers regards » croisés en peu de temps, je tangue. Plus très sûre d’être efficace, de dispenser des traitements adéquats... Je ne souhaite pas être ailleurs. Ma place est bien là, à poser l’indication d’une assistance respiratoire ou à en assurer la surveillance. Il est juste lourd, ce doute, au moment d’endormir chaque patient qui peine trop à respirer. Se reveillera-t-il? Serai-je la dernière personne qu’il aura regardée? Alors j’y mets ce que je peux. Les mots les plus doux, malgré le bruit des alarmes. Je n’esquive pas. Je plante mes yeux dans les leurs. Je les regarde moi aussi. Pour qu’ils sentent qu’ils comptent. Pour qu’ils soient moins seuls. Jusqu’à ce que les yeux se ferment. Puis l’aspe