Mamie Alice


 Je ne vous ai presque pas connue « valide», et Charlie, lui, vous a rencontrée pour la première fois alors que vous viviez déjà en maison de retraite. Nous venions vous voir quelques fois par an :  à Pâques, l’été, à Noël.

Lui a passé du bon temps avec vous. Il a adoré vous promener en fauteuil, se faisait une joie de vous décrire ce que vous ne pouviez plus voir : les fleurs, le soleil.
Il s’est pris d’affection pour vous, son arrière-mamie. Il ne voyait que vos possibilités. Manger un  bon chocolat, sourire alors qu’il vous crémait les mains.
Il avait l’avantage de  son jeune âge. Ne vous ayant pas connue plus tôt, mon fils n’avait rien à regretter,  n’a jamais pensé que vous n’etiez plus « comme avant ».
Charlie vous a aimée de manière instantanée, pour ce que vous étiez ces trois dernières années : une arrière-mamie à la peau douce, qui percevait encore la lumière et peut-être quelques couleurs, avec qui il ne conversait pas mais partageait la passion du chocolat. 
Charlie s’est senti utile auprès de vous : à 4, 5, 6 ans on ne peut pas faire grand-chose. On est toujours « trop petit ».  Mais pour vous parler ou vous cajoler, il était assez grand .
Lorsqu’il a appris que la fin  de votre vie s’annonçait, il a immédiatement voulu venir vous voir.
Il a cherché des fleurs, que vous pourriez peut-être encore  sentir, avec son papa.
Evidemment, la maman que je suis a hésité:  aura-t-il peur ?  Comment l’accompagner ?
Vous êtres partie une heure avant notre arrivée. Charlie a quand même tenu à vous saluer.
Nous sommes donc arrivés tous les quatre, en famille, tard dans la nuit.
Vous étiez belle et plutôt apaisée. Charlie s’est mis dans un fauteuil à coté de vous, la mine renfrognée par la fatigue, et la tristesse : vous êtes son premier Adieu.
Après un moment, il a posé ses fleurs à côté de vous et nous sommes partis.
Il a très bien dormi, et très bien compris.
Il a appris avec vous l’ordre des choses : à quoi ressemble la vieillesse,  qu’il est possible d’aimer quelqu’un qui ne parle plus ou ne marche plus, que la mort est parfois assez douce.

Merci mamie Alice, pour ce temps où Charlie vous a côtoyée.

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