Aimer ses patients.



Est-ce qu'il faut s'attacher à ses patients? Est-ce qu'on peut l’éviter?  Que dire à l’époux de cette femme et à sa petite fille de 6 ans alors que Mme C. est morte, épuisée, à 39 ans? 

Rien. Il n'y a rien à dire. 

Elle est partie à 18h, juste après une ultime péridurale pour ses douleurs, la dernière d'une longue série. Je crois que je lui en ai posé 9. 

Les médecins ne connaissent rien à la mort, rien à la vie, et rien aux enfants non plus, enfin rien de plus que les autres gens. 

Alors c'est plutôt la maman en moi qui a pensé, et peut-être aussi la petite fille qui a connu le décès d'un parent. 

J'ai simplement rappelé au papa, inquiet pour sa petite et peu confiant dans ses qualités paternelles, que les enfants ne sont pas "que" le produit de leurs parents. 

Ce sont de petits êtres autonomes, qu'on peut aimer beaucoup, aider beaucoup aussi en tant que parent, tenter de guider, mais dont nous ne sommes, heureusement qu'une partie des ressources. C'est frustrant parfois, de constater qu'un enfant s'écarte bien loin de ce qu'on a voulu lui transmettre, ne valorise pas les mêmes choses que nous. C'est extrêmement rassurant aussi, quand la mort arrive prématurément, de s'en souvenir. 

Il n'a rien dit, le papa. Il m'a serrée dans ses bras costauds d'agriculteur. J'ai pris ça pour un merci.

Il m'a tendu fébrilement un petit papier, avec une heure, un lieu. "c'est pour la cérémonie d'adieu". 

Assurément on ne peut pas s'occuper des autres sans les aimer, au moins un peu.

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