Maison de famille




C’était ma maison, mon Heimat. 

Empaqueter les souvenirs, dans des cartons bien rangés. Essayer de tout garder en mémoire: les bruits de l'escalier qui grince, l'odeur chez mamema, la résonnance du "grand couloir". 
Les innombrables épisodes d'Urgences regardés au salon. 
La lumière du jour dans la cuisine. 
Les images de mon père posant du carrelage dans cette même cuisine. 
La cour, les vers de terre tout dessiqués que nous réanimions à grand coups d'arrosoir avec Florine. 
L'odeur du pot-au feu de maman en revenant du Lycée le samedi. Mamema et Odile, nonagénaires assises sur le banc devant la maison.
Trois générations Obrist sous le même toit.  
Le tri des champignons ramassés avec tata Béa en revenant des champs.
Certains moments d'enfance pas très gais, aussi.
La terrasse et les nombreux barbecues qu'elle a accueilli. Les membres du "club lecture" et le repas de fin d'année.
Mon tout premier poste de médecin, avec quelques nuits blanches liées à mes nouvelles responsabilités.
La préparation de mon mariage, petits cactus à mettre en pot et invitations réalisées à la table du salon. 
L'arrivée de Charlie, les suites de la césarienne avec la présence bienveillante de notre sage-femme, Christine. 
Le Noël en famille de 2011, les 25 ans de Lise qui en a eu 29 samedi. L'aide si précieuse de Serge, plombier-peintre-jardinier-menuisier-électricien et même beau-père, sans qui cette maison ne serait plus ce qu'elle est.
Et tous ces soirs d'adolescence à papoter avec Baptiste. "Romeo et Juliette à sa fenêtre" disait le maire. 20 ans que nous conversons. 


J'ai passé la tête dehors pour prendre cet ultime cliché souvenir, fermé les volets une toute dernière fois. 
J'ai remarqué alors qu'il n'y avait plus la lumière du bistrot qui inondait ma chambre la nuit. 
Tout a changé, la maison a vu partir ses occupants vers de nouveaux horizons, terrestres pour certains et célestes pour d'autres.
Éteindre les lampes dans chaque pièce, fermer les portes d'entrée à clé. 

Appuyer une dernière fois sur la sonnette avant de partir pour de bon, juste comme ça.

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